Second projet retenu cette année dans le cadre de notre appel à projets 2023, la Maison de Rosalie vient en aide aux femmes enceintes seules. Son but, leur permettre d’accueillir inconditionnellement leur enfant et de vivre leur vocation à l’amour : aimer et être aimées.
Nombreuses sont les associations à avoir répondu à notre appel à projets en début d’année. Une initiative qui s’inscrit dans la tradition monastique de reverser une partie de nos bénéfices à des œuvres dans le besoin. Cette année, deux projets ont été retenus, la forêt comestible d’Echourgnac et la Maison de Rosalie.
« Dans notre volonté d’être une entreprise ancrée dans notre territoire, explique Antoine Dumont, directeur de la fromagerie de La Trappe, nous avons retenues plusieurs thématiques que l’on peut regrouper autour de deux mots : l’environnement et l’humanité. Comment prendre soin à la fois de notre environnement et de sa population ? Ce qui nous a touché dans la Maison de Rosalie, c’est la belle énergie déployée pour venir en aide à de futures mamans qui sont isolées, parfois abandonnées. »
Fondée par Anne Ménager et Marine Cavalier, deux éducatrices spécialisées, la Maison de Rosalie accueille depuis le mois de mai des femmes enceintes seules, qui attendent leur bébé dans des conditions difficiles.
« J’ai été directrice de deux maisons de ce type et Anne travaillait dans l’une d’elle, détaille Marine Cavalier. Il nous semblait important de proposer ailleurs ce que l’on avait appris là-bas. Ce projet n’est pas juste une idée, c’est le fruit de notre expérience. »
Cette expérience, c’est celle d’une proposition originale. La Maison de Rosalie n’est en effet pas un centre parental ou une mission de l’aide sociale à l’enfance, elle ne se base pas uniquement sur des critères sociaux ou de précarité, mais sur la détresse du cœur de la mère.
Une maison familiale
« En France, une femme enceinte sur 20 vit seule sa grossesse, rappelle Marine. Pour beaucoup d’entre elles, cette solitude est une souffrance qui se vit dans l’isolement, la culpabilité, la précarité, voire l’exclusion. Elles attendent leur bébé dans des conditions qu’elles n’avaient pas imaginées, elles se sentent perdues. Si on leur donne un coup de pouce, elles vont s’en sortir, elles vont retrouver la confiance et la vie va être belle. Mais sans coup de pouce, c’est une pente descendante vers la déprime. »
La Maison de Rosalie peut accueillir jusqu’à six femmes enceintes dans une ambiance familiale. « Chacune a sa chambre, mais il y a une vie commune. Chacune cuisine à tour de rôle par exemple, et les repas sont pris en commun, partagés. Après chacune est libre de son emploi du temps. »
Vivre la vocation à l’amour
Marine vit même sur place, avec les femmes accueillies. Anne vit avec son mari et ses enfants dans une maison voisine. « Nous sommes là pour favoriser la rencontre entre elles, pour découvrir les talents de chacune et pour susciter le goût de refaire des choses, insiste Marine. Parce que souvent elles arrivent quand même assez déprimées. On est là aussi pour accompagner ce grand bouleversement de la naissance, pour leur permettre d’accueillir inconditionnellement leur enfant et de vivre leur vocation à l’amour, aimer et être aimées.
C’est vraiment un partage de vie. On ne les accueille pas seulement pour les aider à sortir de leur situation difficile, mais aussi pour les aimer. Souvent elles ont eu une expérience d’amour blessé, et si elles demandent à être accompagnées dans une maison où elles habitent avec d’autres, c’est qu’il y a une grande solitude. Nous avons à cœur de leur faire goûter cet amour-là, pour qu’elles puissent y croire et le vivre aussi avec leur enfant par la suite. »
Actuellement trois femmes âgées de 19 à 35 ans vivent au sein de la maison. Issues de milieux sociaux, d’origines et de religions différentes, la cohabitation arrive pourtant à fonctionner. « C’est pour ça que l’on est là, sourit Marine. La vie ensemble fait qu’il y a de la rencontre. La salle de bain est commune par exemple. Elle est un lieu de rencontre, mais aussi de conflits, ce qui permet de parler des tensions, des incompréhensions et de les régler. »
Dans cette dynamique, des projets sont organisés en commun, comme des soirées restaurants. « Nous cuisinons, décorons, animons toutes ensemble, et les gens viennent comme au restaurant. C’est révélateur de talents et ça permet aussi de prendre conscience que si seule on ne peut rien, ensemble on peut énormément, que l’on s’apporte mutuellement les uns aux autres. »
De la grossesse jusqu’aux trois ans de l’enfant
Si l’accueil concerne les femmes enceintes, ces dernières peuvent rester pendant trois ans après la naissance de leur bébé. « Nous n’accueillons que des femmes enceintes car c’est le moment où elles se rendent compte qu’elles ont besoin d’aide, confie Marine. C’est un moment charnière et porteur. Si elles demandent de l’aide, c’est pour bien faire pour leur enfant. Petit à petit elles se rendent compte que ça peut leur faire du bien à elles aussi et leur motivation est grandissante. C’est ça que je trouve extraordinaire et magnifique, parce qu’en fait ça peut ouvrir des horizons incroyables. »
Si toutes viennent pour un passage, pas forcément long, le fait de proposer de rester après la naissance est essentiel. « Le fait de proposer quelque chose de long permet qu’elles n’aient pas de date butoir qui va les limiter à penser au matériel : logement, finances… Ce temps long leur permet de découvrir, de rencontrer leur enfant, de prendre confiance, découvrir leurs talents et s’épanouir. »
Un réel besoin
Pour faire connaitre cette initiative, Anne et Marine ont contacté tous les services de santé et sociaux de Nouvelle-Aquitaine. Et les retours ont confirmé qu’elles répondaient à un réel besoin. « Nous avons reçu beaucoup d’appels, même d’organismes qui n’avaient personne à nous envoyer mais qui avaient été confrontés à cette situation par le passé sans avoir eu de solution à proposer. Ils avaient bien intégré que nous n’étions pas une aide sociale à l’enfance mais un coup de pouce aux femmes enceintes. Ce type d’aide était bien identifié comme un besoin. Un besoin dont on parle peu, mais qui est réel. Ça nous a encouragé, tout comme l’aide apportée par l’abbaye. »
Une aide financière qui a permis de refaire l’électricité de la maison, mais pas seulement. « Nous avons beaucoup échangées, notamment avec Sœur Soizic, et réfléchis à ce qui pourrait être fait ensemble. L’idée est venue de proposer une journée de retraite avec l’accompagnement d’une sœur, ou bien encore des stages à la fromagerie. Nous avons déjà des femmes intéressées ! »
Quant au nom du projet, la Maison de Rosalie, c’est en référence à sœur Rosalie, une religieuse canadienne qui fonda la communauté des Sœurs de Miséricorde de Montréal pour accueillir des mères célibataires. L’aide et le soutien de l’abbaye d’Echourgnac revêt donc un sens tout particulier. « Je pense toujours aux abbayes contemplatives comme une espèce de flamme qui veille sur le monde, confie Marine. Pendant que nous dormons, les sœurs prient la nuit et veillent sur nous. Avec cet appel à projet, ce sont les porteurs du monde qui nous aident. C’est magnifique ! »
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