Comment mieux accueillir le visiteur de l’abbaye Notre-Dame de Bonne Espérance d’Echourgnac tout en préservant la vie de sa communauté religieuse, telle est l’ambitieuse réflexion qui vient de démarrer. Objectif final, aboutir à la création d’un parcours de visite.
La brume entoure toujours l’abbaye en ce petit matin d’avril. Autour de Mère Bénédicte, abbesse de la communauté, et des sœurs Soizick et Marie-Espérance, une dizaine de personnes nous rejoignent devant l’entrée de l’hôtellerie et celle de la boutique de l’abbaye, à quelques mètres de l’église. Face à nous, le grand portail rouge qui marque le début de la clôture.
Pour n’importe quel visiteur, la découverte de Notre-Dame de Bonne Espérance se résume à ces quatre aspects. Mais ce matin, nous permettons à ce petit groupe composé d’acteurs locaux et territoriaux, de spécialistes du tourisme ainsi que de l’agence Scarabée, agence conseil en ingénierie culturelle, de passer ce mystérieux portail rouge et de visiter l’intérieur de la clôture.
Mieux accueillir, une réponse à la vocation des sœurs d’Echourgnac
Réuni à l’invitation de la communauté, ce groupe va nous aider à réfléchir à l’amélioration de l’accueil des visiteurs. « Aujourd’hui l’abbaye reçoit près de 40 000 visiteurs par an, constate Mère Bénédicte. Mais beaucoup repartent avec une frustration de leur passage à Echourgnac. Nous vivons cloitrées et à part l’église et les six offices qui y sont célébrés quotidiennement, la boutique et nos fromages, ils ne découvrent rien de ce qui se vit ici. »
Et si les sœurs tiennent à mieux répondre aux attentes des visiteurs, c’est que dans leur règle de vie, la règle de Saint Benoît, le chapitre 53 est justement consacré à cet accueil : « Tous les hôtes qui arrivent seront reçus comme le Christ, car lui-même dira un jour : J’ai demandé l’hospitalité et vous m’avez reçu. [ Mt 25, 35 ] » Pour mère Bénédicte, « améliorer l’accueil des autres c’est vraiment essayer de répondre à cet appel qu’il y a dans notre règle de vie. »
Découvrir ce qu’il se passe à l’intérieur du monastère tout en restant à l’extérieur
« L’enjeu principal de ce projet c’est de permettre aux visiteurs de comprendre ce que l’abbaye représente, ce qu’elle est, ce qu’elle vit », explique Cindy Déveaux, chef de projet de la Fromagerie de La Trappe. Un projet qu’elle résume en une phrase, « avoir accès à une vision de ce qu’il se passe à l’intérieur tout en restant à l’extérieur. » Car il n’est évidemment pas question d’ouvrir la clôture à des flots de visiteurs mais bien de permettre de toucher l’essence de la vie de la communauté sans la perturber, et tout en préservant son silence.
Un projet pour le moins ambitieux pour lequel nous avons choisi avec les sœurs de nous entourer de professionnels du tourisme et d’écouter les regards extérieurs et les expertises de nos partenaires lors de trois journées d’ateliers de travail.
Un premier atelier collaboratif pour lancer le projet
Pour le premier atelier de travail, une visite de l’intérieur de la clôture a permis au groupe de découvrir les lieux et points essentiels de la communauté, comme la maison Biscaye, point de départ du monastère, mais aussi le potager en permaculture, ou encore la station d’épuration de la fromagerie installée dès 2007, une première en France, imitée aujourd’hui par de nombreuses autres fromageries. Deux initiatives qui montrent par exemple le rapport de la communauté à la nature, à la Création.
« Cette visite permet au groupe de travail d’apprivoiser l’environnement, les espaces que l’on veut faire découvrir et ceux qui seront demain accessibles au public, explique Antoine Dumont, directeur de la fromagerie de La Trappe. Il faut que le groupe qui travaille puisse s’imprégner de l’esprit, de l’ambiance des lieux. »
La visite permet également de découvrir les offres déjà existantes à l’extérieur de l’abbaye, comme le parcours Terraventura, le chemin de Saint Jacques ou encore le chemin de croix.
Une immersion qui s’est poursuivie avec l’office du milieu du jour (Sexte), suivi du déjeuner en silence, comme les sœurs.
Des échanges nourris et constructifs
Au programme de l’après-midi, des échanges pour permettre à chacun de s’exprimer sur les objectifs et les attentes du projet, mais aussi sur ses limites.
L’occasion de revenir sur l’origine et l’histoire de l’abbaye, son lien avec le territoire de la Double et ses habitants, ainsi que ses spécificités patrimoniales. L’occasion aussi d’écouter les professionnels du tourisme sur le visage de ce dernier dans la région : un tourisme en quête de nature, de gastronomie locale, d’artisanat et en recherche de sens.
Une recherche qui fait écho à la paix ressentie par tous les participants et visiteurs de l’abbaye dans ces lieux, et qui a permis aux sœurs de rappeler le pourquoi de leur présence à Echourgnac et pas ailleurs.
« On n’est pas venues faire du fromage, des pâtes de fruit ou même chanter l’office, explique sœur Soizick, on est venues pour une personne, et pour cette personne on a accepté ou on accepte aussi de continuer à vivre ainsi. A l’extérieur (de l’abbaye ndlr) il y a beaucoup de paroles, il n’y a pas une Parole, il y a un moulin à paroles. »
Au fil des échanges, un objectif se dégage, ne pas se contenter d’une visite simple, mais transmettre quelque chose et permettre au visiteur de faire une expérience marquante d’un lieu de répit qui interpelle, questionne sur l’existence.
Si bien qu’en fin de journée, à la question qu’est-ce que l’on aimerait que, six mois après leur passage, les visiteurs racontent de leur visite à Echourgnac ? La réponse était claire, qu’ils aient envie d’inviter à vivre cette même expérience !
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